Mais où est donc passée la ménagère de moins de 50 ans ?

decryptages.net
decryptages.net

 

Les grandes marques ont bien souffert ces dernières années. Depuis la crise financière, elles ont découvert que l’on ne pouvait plus séduire aussi facilement la fameuse ménagère de moins de cinquante ans. Cette espèce était en voie de disparition pour laisser place à une versatilité, voire à une atomisation de la demande. Il faut dire que de nombreux événements sont venus chambouler la sérénité des marques. D’abord l’explosion du web avec la prolifération de l’information et des offres, ensuite la prise de conscience environnementale juste avant de subir, de plein fouet, une crise financière débouchant sur l’effondrement du pouvoir d’achat mondial. Ces événements ont bouleversé tous les schémas marketing usés et utilisés. 

 

Alors que de nombreuses marques sombraient dans la dérive, les consommateurs s’organisaient en communautés en répondant massivement à l’appel des réseaux sociaux. Depuis, faute de pouvoir d'achat, nos ménagères ont pris le pouvoir tout court. Ce ne sont plus les marques qui tirent les ficelles. Grâce à internet, l’expertise marketing a changé de camp. Elle est passée du côté des usagers qui, de plus en plus, procèdent à leur propre benchmarking avant d’effectuer leurs achats. Ils s’informent, comparent, posent des questions via des forums à distance. C’est-à-dire avant même d’être confrontés aux vendeurs. Ces derniers vont vite comprendre, à leurs dépens, que désormais leurs clients sont souvent bien préparés avant d’entamer leur acte d’achat. Parfois, ils en savent beaucoup plus long sur le produit qui les intéresse que le vendeur lui-même. 

 

Depuis 2008, crise oblige, les enseignes discount ont commencé à avoir le vent en poupe. Les consommateurs réticents il y a quelques années, ont découvert que, finalement, on pouvait avoir, chez les discounters, des produits trois fois moins cher pour une qualité tout à fait honorable. Ce qui n’arrangeait pas les affaires des grandes marques. Au fil des expériences d’achat, cet état de fait allait s’empirer. Les marques commençaient à être bannies par tous ceux qui commençaient à les percevoir comme des purs produits du marketing, de la manipulation et d’une société de consommation qui n’avait plus de sens dans un monde en pleine révision de ses grandes valeurs. Le faste et le bling bling ne sont plus de mise. On assistait alors à la diabolisation du luxe, des 4x4 en ville et des attitudes d’apparat. Cette situation a semé un vent de déroute chez les experts marketing, dans les grandes agences de publicité et chez les grandes marques.

 

Les réactions vont s’enchaîner et les différentes enseignes vont déployer toutes sortes de stratégies et d’expériences inédites. Bon nombre d’enseignes vont s’effacer pendant toute une période où il ne fait pas bon être une marque trop connue. C’est l’exemple de Lacoste qui a réduit la taille de son crocodile sur ses polos et qui l’a même zappé sur des campagnes de publicité destinées aux jeunes. C’est aussi l’exemple de Spécial K qui a orchestré toute une campagne basée sur des témoignages de clientes sans aucune autre signature qu’une insinuation en voix-off. Les 3 Suisses vont frapper un bon coup avec leur campagne chouchoumania, en 2010, cherchant à suivre la mutation des comportements. Ses accroches « le chic sans fric » ou encore « fauchées mais fashion » ne vont pas passer inaperçues. Elles rappellent cette base-line de Kiabi dans les années quatre-vingt, « la mode à petits prix ». Un positionnement, en avance sur son époque et que la marque vient de ressortir comme accroche pour ses dernières campagnes. Pepsi-Cola fera preuve de beaucoup plus de finesse en sacrifiant 20 millions de dollars de son budget de sponsoring du Superbowl américain en 2009 pour les offrir à des actions caritatives. Une belle cagnotte pour acheter son intégration auprès des communautés de consommateurs car la subtilité de l’action réside dans l’appel aux internautes sur les réseaux sociaux pour décider des actions les plus méritantes à financer par ce budget. Tout en reconnaissant le pouvoir de décision des consommateurs, la marque se l’est subtilement approprié.

 

Pour toutes ces marques, la question n’est plus d’intégrer les réseaux sociaux, mais comment le faire de manière à reconquérir la confiance d’antan. En tout état de cause, les stratégies connues jusqu’alors semblent désuètes et non avenues. Une révolution marketing est en marche. La discipline va devoir explorer des valeurs auxquelles elle s’était rarement frottée auparavant. Elle devra, notamment, se réinventer avec des stratégies faisant appel à l’éthique, à la transparence et aux valeurs citoyennes.