Fintech, comment les banques peuvent-elles réinventer leur business-model ?

 

Depuis 2014, on constate un essor exponentiel des fintech, ces start-ups qui utilisent les dernières innovations technologiques pour proposer des services bancaires aux particuliers et, de plus en plus, aux entreprises. Aujourd’hui, elles sont plus de 1500 dans le monde et, selon une étude prospective de la CGI réalisée en 2015, ces nouveaux concurrents pourraient capter jusqu’à 40% des revenus des banques d’ici quelques années. Plus menaçant, le cabinet McKinsey évalue cette proportion à 60% dans les 10 ans à venir. Comment expliquer l’essor de ces start-ups ? Quelles menaces représentent-elles pour les banques ? Comment ces dernières peuvent-elles réagir pour sauvegarder leurs activités ?

 

Des offres en phase avec l’évolution des comportements

« Comparez les crédits et financez vos envies au meilleur taux », « empruntez jusqu’à un million d’euros sans passer par une banque », « regroupez vos crédits et réduisez de 60% vos mensualités », « financez vos projets de développement en empruntant directement auprès de particuliers » ou encore « dynamisez votre épargne jusqu’à 11% » ! Autant de propositions alléchantes qui fleurissent sur le net et dont le phénomène n’est pas prêt de s’arrêter. Les offres des fintech représentent près de 5% du flot des campagnes e-mailing adressées aux particuliers. Ainsi, au-delà de leur propre concurrence, les banques doivent désormais faire face à celle des fintech. Elles doivent également faire face aux changements de comportements de leurs propres clients qui, suite à la baisse vertigineuse des taux, n’hésitent pas à renégocier leurs crédits en masse. En moins de cinq ans, les taux d’emprunts pour les projets immobiliers sont passés de 5,5 à 1,5 %. Les emprunteurs y voient une opportunité de réduction de leurs dettes. Les fintech y voient une opportunité de gains et une brèche pour assurer leur développement. On estime à plus de 10 millions d’euros, les pertes annuelles moyennes par banque dues uniquement aux renégociations des crédits.

 

Les fintech, fruits de la crise financière

Tout remonte à la crise financière de 2008. Outre ses conséquences sur l’économie mondiale et les effets dévastateurs pour l’image des banques, elle a aussi conduit l’industrie bancaire à réduire massivement ses effectifs. De ce fait, elle a libéré de nombreux professionnels de la finance qui ont vu dans les nouvelles technologies une opportunité pour innover dans le secteur bancaire. Aujourd’hui, les banques les mieux inspirées cherchent à reconquérir ces talents. L’émergence des fintech a également été favorisée par la convergence de plusieurs facteurs comme les réglementations défavorables aux banques, la loi sur le financement participatif en France de 2014, les directives européennes sur les services de paiement ou encore l’intérêt porté aux fintech par les poids lourds de la nouvelle économie et des fonds d’investissements disposant de liquidités à investir.

 

Sécurité bancaire et évolution digitale ne font pas bon ménage

Cependant, le mouvement a été surtout favorisé par l’écart des usages numériques entre les particuliers et les banques. Comme dans la majorité des secteurs, le boom du net et le partage d’informations via les réseaux sociaux ont transformé les consommateurs en consomacteurs, souvent bien plus avisés que les vendeurs ou leurs conseillers bancaires. Les particuliers semblent avoir adopté, plus rapidement que les banques, les équipements numériques et l’usage du net. Sur ce terrain, les fintech semblent bien plus en accord avec la demande et l’évolution des comportements que les établissements bancaires dont l’organisation et l’offre sont restées assez figées. Loin de répondre à une volonté managériale, l’inertie bancaire est souvent due aux contraintes sécuritaires, particulièrement imposantes et nécessaires, pour les activités financières de dépôts et de crédits. Les opérations bancaires sont les cibles privilégiées des pirates. Selon des sources confidentielles, les banques subissent jusqu'à une centaine d'attaques par jour. Ce qui explique la paranoïa de leurs services informatiques. Les précautions sécuritaires des banques constituent à la fois un frein pour faire évoluer leurs activités et l'un des rares atouts associés à leur image. Assouplir leurs services en ligne revient à exposer leurs activités aux risques de piratage. Ce qui limite le champs de leurs innovations digitales. D'où la nécessité de contourner cette difficulté par une démarche d'innovation structurée, pertinente et adaptée. 

 

Projet d’entreprise, une démarche incontournable pour les banques

Les fintech représentent-elles une véritable menace pour les banques ? Oui, si les banques ne réagissent pas. Non, si elles considèrent l’essor des fintech comme une bonne raison pour innover, réinventer leur métier et faire preuve d’audace. Ce qui n’est pas toujours dans l’ADN des banquiers. Or, c’est justement là où devrait s’opérer le changement et pour cela, les banques vont avoir besoin de toutes leurs forces vives et managériales. Ce n’est pas une circulaire de la direction ou un éditorial présidentiel, même bien pensé, relayé sur le magazine périodique de la banque, qui feront bouger les lignes. Il faudra une véritable démarche collective, des actions commando orchestrées par des équipes projets et une sensibilisation personnelle des collaborateurs, un par un s’il le faut, pour opérer le changement qui s’impose. Co-construire avec l’ensemble des collaborateurs un projet d’entreprise centré sur l’innovation est une démarche désormais incontournable pour les banques. On parlera d’évolution pour ne pas heurter l’ADN bancaire, mais il s’agira, au final, de réussir de véritables révolutions si l’on veut voir émerger la banque de demain. C’est-à-dire une banque qui devra offrir plus de services innovants que ne peuvent offrir les fintech elles-mêmes, avec, en prime, le capital confiance élevé que lui accordent ses clients. Pour cela, les établissements bancaires ont tout intérêt à repenser leur projet d’entreprise, en espérant qu’ils en aient un, à accélérer leur transformation numérique et à accélérer leur transformation, tout court ! 

 

Dépasser la transformation digitale visible

Les banques n’ont jamais autant investi dans leur transformation digitale en essayant, autant que possible, de s’inspirer des nouvelles activités proposées par les fintech tout en respectant leurs spécificités liées à leur réseau d’agences et à leurs conseillers clientèle. Cependant, si elles ont beaucoup investi sur la partie visible du digital, peu de banques ont atteint une véritable transformation de leur modèle bancaire. Rénovation des sites internet, lancement d’applications à l’ergonomie repensée sur smartphones et tablettes, déploiement de tablettes pour les conseillers en agence, avec des usages limités à des simulations ou comme support à la signature électronique, amélioration de l’expérience utilisateur cross-canal, écoute des réseaux sociaux, mise en place de community managers. Autant d’actions qui, au final, ne s’apparentent qu’à une mise à niveau de la communication digitale des banques. Mais le vrai challenge des établissements bancaires consiste à aller beaucoup plus en profondeur dans leur transformation pour proposer des services aussi innovants que les fintech ou les nouvelles banques directes. Tenue de compte en temps réel, notifications généralisées, paiements instantanés, digitalisation des actes de gestion ou encore services de gestion de budget et d’agrégation de comptes. Grâce à la mise en place de partenariats avec des fintech, comme HSBC qui a développé un partenariat avec Linxo pour utiliser son système d’agrégation de comptes bancaires en marque blanche, à des acquisitions de start-ups comme LePotCommun.fr racheté par BPCE et Leetchi.com racheté par Arkea Crédit Mutuel, ou encore à la création de start-ups maison via des incubateurs comme Le Village du Crédit Agricole ou encore « We Are Innovation » de BNP Paribas, plusieurs banques semblent avoir pris la bonne direction pour réinventer leur métier. Mais leur efficacité dépendra de leur capacité à aller plus vite dans leur transformation afin de gagner une course dans laquelle elles se sont engagées très tardivement.

 

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