GRADUR

 

Il est l’idole des jeunes générations. Son clip Rosa affiche plus de 50 millions de vues sur Youtube et son dernier CD fait partie des meilleures ventes de Rap français. Et dire que je ne savais rien de tout ça quand on m’en avait parlé. Le 21 avril 2016, Kayak organisait une soirée à Lille Grand Palais pour le lancement de la marque Bleu d'argan. Notre client étant proche de la famille de Gradur, nous avions alors prévu une invitation pour la star. Mes collaborateurs à l’agence, bien plus jeunes, étaient tous excités à l’idée de le rencontrer. Pour eux, c’était comme s’ils allaient passer une soirée en compagnie de Barack Obama. Mais ça, c’est ma référence, pas la leur car je suis sûr qu’à choisir entre les deux, ils auraient opté pour Gradur sans hésiter.

 

Quand Mehdi, mon fils ado, très hostile aux sorties avec ses vieux et franchement peu fan des soirées organisées par l’agence, avait appris que Gradur serait de la partie, il avait fait des pieds et des mains pour en être avec son meilleur pote, Cyril. Je trouvais amusant d’assister à leur rencontre avec une star dont ils étaient gagas. Bien évidemment, je me suis préparé à accueillir notre invité comme il se devait, notamment en explorant ses tubes et en faisant un tour d’horizon du Rap français. C’est là que j’avais découvert les paroles crues de cette culture musicale. On dirait des enchères, à qui mieux mieux, sur les insultes et les insanités. Le plus incroyable est que plus les paroles étaient vulgaires, plus les jeunes semblaient fans, ce que j’ai encore du mal à comprendre. Fort heureusement, ce n’était pas le cas pour note invité. Comparé aux autres, ses chansons me semblaient être de la pure poésie.

 

- Il est là ! me dit-on sur mon portable.

La soirée se déroulait à l’étage avec 250 convives assistant à un défilé de mode. Je devais aller chercher Gradur dans le hall pour son entrée officielle. La première idée qui m’était venue à l’esprit était de me faire accompagner par les deux petits loups, Mehdi et son copain. J’ai pensé que ce serait un beau cadeau que de leur permettre d’accueillir leur idole et d’en profiter avant la cohue de l’étage. Ils avaient savouré chaque seconde avec lui et frimé en partageant leurs selfies avec la vedette sur leurs fans pages Facebook et Instagram. « Je viens avec mes gardes du corps ! » Avais-je lancé à Gradur en le voyant pour la première fois. Baraqué comme il est, il avait éclaté de rire en apercevant les deux gringalets derrière moi. La suite fut aussi chaleureuse que déroutante. Je n’avais pas reconnu la hargne du chanteur. Gradur s’était prêté gentiment aux séances photos avec nos invités, dont beaucoup de fans, mais aussi des nouveaux admirateurs et admiratrices qui ont vite apprécié son accessibilité, son charme et sa proximité naturelle avec le public. Je me souviens à peine du son de sa voix car à chaque compliment que lui servaient ses assaillants, il répondait avec des hochements de tête timides et très humbles. Il était presque gêné d'être l'attraction de la soirée. J’ai adoré ce mec ! Il avait réussi à détruire l’image arrogante que j’avais commencé à me faire sur le monde du Rap. Bien qu'il semblait imposant, notre Gradur était un grand nounours et tout le monde n'avait qu'une seule envie : le cajoler !

 

Le lendemain, en visionnant les différents reportages de la soirée, je me suis rendu compte que, partout, Gradur se cachait derrière des lunettes de soleil et qu’il avait une expression plutôt sobre et assez gênée … Sauf sur cette photo prise ensemble. C’était la seule image où il semblait au summum de son naturel avec un sourire radieux et sans lunettes. Finalement, c'est peut-être l'un de mes plus beaux clichés avec une star.